INTRODUCTION
Nous allons tenter, dans cette introduction, une théorisation scientifique de la notion de « critique ».
Nous vivons dans une société d’information. Toutes les époques de l’histoire ne se caractérisent pas par les mêmes types ou canaux d’information.
La société occidentale du XXème siècle est une société de surinformation : presse écrite, audiovisuelle, Internet, communication interpersonnelle, académique, jurisprudentielle, de doctrine, orale (la rumeur, les mensonges, les préjugés, etc.), les valves, etc.
L’objectif de la recherche d’information, c’est de trouver, si pas la vérité, du moins une vérité. Et la recherche de la vérité ne peut pas se faire de manière intuitive ou subjective. L’approche de la vérité dépend tant de l’individu qui reçoit l’information que de la nature de la source d’information.
Fait => Information => Vérité (une vérité, des vérités)
Les informations sont nécessairement le fruit d’un spectre déformant.
Pour les étudiants en droit, il convient de s’intéresser à la manière dont la justice traite de l’information. La justice cultive le culte du doute (cf. la balance) et doit faire abstraction des a priori, des sentiments personnels, etc.
Mais ne nous emballons pas ! L’objectif de ce cours n’est pas de devenir hypercritique, de tout mettre en doute (en grec, le terme « krinien » signifie « trier », « distinguer », « mettre en jugement »), mais de fournir des clés, des méthodes pour lire l’information. Le cours a une obligation de moyens, mais pas de résultats. Une fois les techniques présentées et les pièges décryptés, il faudra tirer une synthèse et des conclusions personnelles.
Une méthode critique élaborée par et pour les historiens
Il y a quelques années, le cours s’intitulait « Critique historique ». En effet, la critique s’adressait avant tout aux historiens. Par exemple :
La Réforme, selon laquelle les saints de l’Eglise catholique ne seraient que pure invention de l’histoire, a entraîné un besoin, pour l’Eglise catholique, de se justifier. Ainsi, des érudits, tels que Jean Bolland et le père Van Papenbroeck, se sont attachés à une approche plus scientifique pour reconstituer la vie des saints, en se fondant sur des actes si possible authentiques (documents non contestables).
La science diplomatique va naître en 1681 (grâce à un Bénédictin, Don Baggio) avec le traité De re diplomatica (De la science diplomatique), qui inaugure une étude de l’écriture, des supports matériels des documents écrits et des sceaux (sigillographie).
Mais la critique historique s’adresse toujours essentiellement aux historiens.
Au XIXème siècle, avec l’influence des romans historiques (Walter Scott, Jules Michelet, Hendrik Conscience), on va retrouver le besoin de fonder l’histoire sur des documents fiables. On prend conscience du fait que l’histoire ne se fonde pas uniquement sur des textes écrits (archéologie, numismatique, analyse de l’art, etc.). De nouvelles sciences sociales vont être développées (criminologie) grâce à de nouvelles techniques (empreintes digitales, photographies anthropométriques) et à une nouvelle approche en matière pénale : non plus par l’aveu (via la question judiciaire), mais par l’enquête, qui doit aboutir à des preuves suffisamment concordantes pour pouvoir condamner quelqu’un. Cette nouvelle approche sera la source de la critique des sources d’information.
Le cours de Critique des sources d’information sera divisé en trois parties :
1. Présentation et typologie des sources
2. La critique externe des sources
3. La critique interne des sources
* Projection vidéo du dépôt des pièces à conviction du tribunal correctionnel de Bruxelles. Pour restituer une vérité, il faut partir de sources. Les pièces à conviction (documents écrits, armes, stupéfiants, véhicules, etc.) sont des sources.